Vivre, c'est mourir !

Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais vivre, c'est mourir.
Chaque seconde, ce ne sont pas des milliers, ni des millions, mais des milliards de tes propres cellules qui meurent, qui sont détruites, qui sont décomposées et réduites à leurs composants de base. Et au même moment, un nombre similaire de nouvelles cellules naissent, ayant la chance de faire leurs dons, pour un court moment.
La vie est un flux et un reflux, des hiérarchies sans fin de naissances, de morts, de naissances et de morts. Il en va de même pour notre propre sentiment de soi, bien que nous ne le réalisions pas souvent, car cela peut être terrifiant, et nous l'ignorons donc volontairement. Mais comme chaque seconde de conscience voit le jour, la précédente doit s'éteindre. Et lorsque cela se produit, une partie de toi meurt également.
Notre sentiment de soi n'est en fait que cela. C'est le sentiment de quelque chose qui ne naît ni ne meurt, qui ne se termine jamais. Mais si nous regardons de près, si nous examinons le soi, il est possible de découvrir, de manière directe et objective, qu'il n'y a pas une seule unité qui est maintenue. Et pourtant, il y a quelque chose dans le fait d'être moi qui ressemble à une constante, un point intemporel, un "un" sans début ni fin. C'est une forme de magie, l'une des merveilles de la vie, un mystère qui s'offre sans cesse.
Pour vivre pleinement, la vie nous demande de faire don de nos dons les plus profonds en lâchant prise, en acceptant ce processus de changement sans fin, de renouvellement, de perte et de naissance.
De cette façon, vivre, c'est donner, c'est se détacher, c'est se laisser aller de façon répétée et sans relâche. C'est cela l'amour. L'amour le plus vrai. Laisser la place au prochain instant sans s'accrocher au passé. Et même si la résistance est ce que nous ressentons, les mots que nous utilisons pour décrire une partie de nous-mêmes, cette même partie ne résiste en vérité à rien, elle donne, elle est pleinement incarnée, parfaitement organisée, uniquement et exquisément temporaire, une ondulation dans un océan, au bon endroit au bon moment.
Être libre, ce n'est pas vraiment être un moi, un point, qui a la liberté de se déplacer dans un certain nombre de directions, et qui peut ensuite choisir celle qu'il prend. On nous a donné l'impression que c'est ce qui se passe, du moins une partie du temps.
Être libre, c'est ce qui se passe lorsque la vie, grâce à la prise de conscience, se reconnaît et, ce faisant, accepte profondément la situation, avec tout le choc et l'horreur que provoque la découverte que "soi-même" n'est pas une pièce immaculée d'un tout, mais plutôt un processus, un flux, sans début connu ni fin prévisible, composé d'innombrables éléments qui interagissent, vont et viennent, naissent et meurent en même temps.
Cette reconnaissance est synonyme de liberté car, fondamentalement, nous réalisons que ce que c'est que d'être quelque chose du tout échappe à "notre contrôle", est vaste et complexe et dépasse nos imaginations les plus folles.
Être libre, de cette façon, c'est plutôt être libéré de l'idée même de la liberté. Libéré de l'idée du pouvoir de choix et d'indépendance.
Je ne dis pas que la vie est prédéterminée, ni complètement aléatoire. En fin de compte, cela se résume à une prise de conscience que vivre pleinement, aimer, c'est aussi une question de perte, de vulnérabilité et de souffrance.
Plus nous ouvrons notre cœur, plus nous nous sentons pleins, vivants, plus nous devons aussi lâcher prise, cédant la place à la prochaine instance, qu'elle soit prévue ou non. Au moment de la liberté, notre cœur est entièrement ouvert, offrant ses dons les plus profonds, très vulnérable à l'impermanence. Et avec la douleur de cette perte inévitable, nous ressentons une gratitude incommensurable pour la prochaine opportunité de devenir, et de devenir, d'être là tout court.
Lâcher prise n'est pas un choix, c'est une réalité de la vie. Aimer, ce n'est pas gagner et garder ce que tu as trouvé, ce n'est pas s'accrocher aux meilleurs moments de ta vie. Aimer, c'est s'ouvrir, et à l'intérieur de chaque nouvelle instance d'ouverture radicale, retenir la vulnérabilité presque insupportable qui nous est demandée afin de donner de cette façon, pleinement, donner intensément et entièrement notre meilleur à chaque situation, céder à ce qui vient ensuite, en sachant que le cadeau lui-même est une perte.
La béatitude, ananda, est cet état de pleine ouverture, le flux de la vie, qui se vit à travers nous, en tant que nous.
par Alex DUNCAN (2022)